
Catherine s’est alors tournée vers moi. J’ai décelé un tel désarroi sur son visage si jeune, trop jeune pour tant de souffrance que j’ai bondi sur mes pieds et l’ai prise spontanément dans mes bras. Ma petite fille, ma pouliche à moi, mon adorée…
Je ne sais combien de temps elle a sangloté, la tête blottie contre mon épaule, mais je l’ai laissée pleurer tout son soûl. Et j’ai pleuré avec elle, lui murmurant des mots d’amour dans le secret de mon cœur. Vide-toi, ma chérie, vide-toi de tout ce qui te fait mal, libère-toi de ces tensions, de cette anxiété, de ce besoin d’herbes malignes et de substances empoisonnées qui te consument et te font devenir une autre que toi-même. Pourquoi, pourquoi as-tu tant besoin de cette maudite béquille? Mes bras de mère ne suffisent-ils pas à la petite fille que je vois encore en toi? Je sais, je sais, tu n’es plus une fillette, maintenant. Et nos contacts sont devenus différents, plus rares, plus froids, plus éloignés. Plus impersonnels aussi. Ai-je négligé à ce point mon rôle de mère? La vie m’emporte avec tant de fougue et de rigueur... Peut-être en as-tu conclu que ta mère ne t’appartient plus? Pardonne-moi, mon amour, je suis là, je serai toujours là pour toi.
Après un laps de temps qui m’a paru une éternité, la respiration de Catherine s’est faite moins bruyante et plus régulière. Tranquillement, le calme est revenu et avec lui, un silence béni. Un silence porteur de l’amour entre nous. Ni elle ni moi n’osions faire un mouvement de peur de briser cette quiétude précaire, cette fragile accalmie répandant sur nos âmes un baume bienfaisant. Elle et moi, seules au monde, serrées l’une contre l’autre dans la nuit pour affronter l’adversaire invisible que Catherine, sans doute, n’avait même pas encore identifié comme un ennemi. Un adversaire que j’entrevoyais comme terrible et puissant.
Micheline Duff
Publication: Septembre 2011